Depuis deux ans, l’industrie subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire et ses multiples rebondissements. La pandémie que nous vivons a mis en exergue les enjeux de la prochaine décennie. Parmi ceux-ci, nous pouvons noter la décarbonation de la production, la relocalisation et la modernisation des usines. L’Etat français l’a bien compris puisqu’il a mis en place un plan de relance en faveur de l’industrie, basé sur ces thèmes, à hauteur de 35 milliards d’euros sur la période 2020-2022.
À la loupe, nous allons nous concentrer sur trois des tendances qui marqueront plus particulièrement le monde de l’industrie cette année.
La conciliation entre industrie et environnement
Visée comme le secteur étant le plus polluant depuis des décennies, l’industrie a pris à bras le corps le sujet du réchauffement climatique depuis déjà des années. Selon l’Insee, entre 1990 et 2019, la pollution des émissions de l’industrie manufacturière a baissé de 45%. C’est quatre fois plus que le reste de l’économie où cette baisse peine à dépasser les 10%.

Parmi les initiatives notables, nous pouvons noter l’entreprise Petit Bateau qui prévoit dans les années à venir une réduction de sa consommation d’eau de 50%. Selon la Banque Mondiale, l’industrie textile est responsable de 17 à 20% de la pollution de l’eau dans le monde, cet engagement démontre l’intérêt que porte cette industrie à cet enjeu.
Nous pouvons également noter la récente annonce d’investissement de l’entreprise Arcelor Mittal. accompagnée par l’État. 1,7 milliards d’euros seront investis sur ses aciéries de Dunkerque afin de de réduire ses émissions de CO2 de 40% d’ici 2030. Il faut savoir que ces deux aciéries représentent 25% des émissions industrielles de gaz à effet de serre (GES) en France. C’est donc un pas majeur vers nos objectifs de réduction des émissions de GES. Cet investissement fait partie de la stratégie France 2030, une enveloppe globale de 5,6 milliards d’euros est consacrée à la décarbonation de l’industrie sur trois secteurs : acier-aluminium, chimie et ciment.
L’enjeu écologique est tel que beaucoup d’usines le placent au cœur de leur stratégie pour les décennies à venir. Nous avons pu voir lors du Fabriq Tour 2021 la place majeure qu’occupent les sujets liés à l’environnement dans la stratégie de certaines entreprises. Nous pouvons citer Valrhona ou Rossignol que nous avons rencontrés. La première est certifiée B-Corp et s’est donné pour mission de devenir une référence de responsabilité dans l’industrie du chocolat et de son exploitation. Quant à la deuxième, elle s’est engagée dans le programme Respect. Ce programme vise d’une part à moderniser et rendre plus responsables les usines dans l’objectif de réduire les émissions de GES et d’autre part à centrer la mission de l’entreprise sur la préservation de son environnement, la montagne.
Dans la même veine, un nouveau projet environnemental, qui est entré en vigueur en 2022, portera les besoins du secteur des énergies renouvelables : la taxonomie européenne. Cette taxonomie donne une classification des activités économiques qui ont un impact favorable sur l’environnement et vise à favoriser les investissements vers les activités vertes.
L’industrie est un des principaux acteurs du changement, d’une part elle innove afin de créer des produits plus responsables, moins polluants et plus respectueux de l’environnement et d’autre part elle met tout en œuvre afin de réduire son impact environnemental de production.
La relocalisation industrielle, un enjeu économique crucial
Il y a un peu plus de 20 ans, Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel, déclarait « Alcatel doit devenir une entreprise sans usines. » Rappelons que dans les années 2000, Alcatel représentait 120 usines, 150 000 salariés dans le monde et était numéro un mondial de la fibre optique. Depuis, son action est passée de 200€ à 3€ avant d’être rachetée par Nokia en 2016.
Cette phrase de Tchuruk est emblématique de la politique de désindustrialisation que vit la France depuis 30 ans. La stratégie était simple: se concentrer sur la conception des produits tout en déléguant leur fabrication à des sous-traitants. Malheureusement pour nous, cette théorie s’est avérée être un échec cuisant. Cependant, depuis quelques mois, à l’approche de la présidentielle et suite à la crise que nous avons vécue, les mots de relocalisation et de réindustrialisation sont mis à l’honneur par l’ensemble des candidats.
La nécessité de relocaliser nos usines et de réindustrialiser la France est double, d’une part il est nécessaire de sécuriser nos approvisionnements stratégiques, nous l’avons bien vu lors de la crise du COVID et maintenant des matières premières. Et d’autre part, c’est un formidable outil pour redynamiser notre économie, créer des emplois et rééquilibrer notre balance commerciale.
La relocalisation pour sécuriser nos approvisionnements stratégiques
Le cabinet Trendeo a identifié entre 2009 et 2020, une relocalisation de 112 sites industriels. Cela fait environ 11 sites par an, ce qui est faible. Il est en effet difficile de relocaliser des activités de production, le coût de retour est très élevé et le retour sur investissement difficile à obtenir.
Toutes les activités ne sont donc pas concernées et les relocalisations doivent prendre en compte plusieurs critères:
- les coûts de production ;
- les compétences ;
- l’écosystème de fournisseurs ;
- l’environnement réglementaire ;
- le financement des investissements.
En 2020 le cabinet de conseil PWC publiait une étude listant les produits les plus propices à la relocalisation.
Un indice de criticité a permis de sélectionner les produits ayant des enjeux forts de relocalisation. Cette analyse a permis de sélectionner 113 catégories sensibles, le périmètre identifié représente 382 milliards d’importations, autrement dit, 70% des volumes d’importations.

Les produits les plus propices et/ou prioritaires pour les relocalisations sont :
- les batteries lithium-ion / polymères ;
- les produits réfractaires (briques et électrodes graphite) ;
- les composants électroniques : semi-conducteurs, transistors et diodes ;
- les produits d’injection plastique.
La réindustrialisation pour redynamiser notre économie
Le déficit de la balance commerciale Française se chiffre à 84,7 milliards d’euros pour l’année 2021, un record historique, alors que l’Allemagne est en excédent budgétaire de 173,3 milliards d’euros. Cela fait une vingtaine d’années que nous importons plus que ce que nous exportons. Nos voisins d’outre-Rhin gardent cette forme olympique grâce à leur tissu industriel et au Mittelstand qui est la colonne vertébrale de leur économie. En effet, selon le cabinet Roland Berger, l’Allemagne compte trois fois plus d’entreprises exportatrices.
Parmi les leviers de la réindustrialisation, attardons nous sur la montée en gamme de nos produits et sur l’attractivité de nos territoires.
Il est intéressant de mesurer la sensibilité des exportations par rapport à une variation des prix, cela s’appelle le positionnement hors-prix. Nous voyons alors que les exportations françaises sont plus sensibles aux variations de prix que nos voisins allemand ou britannique. Cela démontre qu’il faut nous positionner sur des produits à plus haute valeur ajoutée et faire monter en gamme notre production. Cela permet de se protéger de la concurrence des pays à bas coûts et de prendre des places de premier plan au niveau international.
Concernant l’attractivité de nos territoires, selon une étude de l’INSEE, la France a perdu près de 2,5 millions d’emplois industriels en presque trois décennies. L’Observatoire des Territoires note que la part des emplois industriels a été divisée par deux en France en près de 40 ans.

Or, l’industrie est au cœur du tissu économique de nos territoires, 75% de nos sites de production se situent dans des villes moyennes ou rurales en région (Institut Montaigne), ils participent activement à la préservation des emplois et au dynamisme de nos territoires.
Pour que nos territoires attirent de nouveau des projets de création d’usine il est nécessaire de développer un maillage sur les plans des transports et du numérique. Il faut également faciliter la création d’usines dans nos régions qui en ont le plus besoin grâce à des systèmes d’incitations qu’elles soient légales ou financières.
La réindustrialisation permettra de stopper cette hémorragie des emplois industriels et de redynamiser nos territoires.
Les outils digitaux au coeur des démarches industrielles
Cette période de crise que nous venons de vivre a mis en évidence le rôle décisif qu’ont joué les technologies dans la gestion de crise de nombreuses entreprises et particulièrement des industriels. Les entreprises ont dû mettre en place des mesures inédites pour maintenir leur activité. Selon une étude du cabinet McKinsey, 94% des entreprises qui étaient dans une démarche de digitalisation de leurs opérations ont déclaré que cela les avait aidées à continuer leur activité. De plus, 65% des industriels indiquent qu’ils sont plus optimistes sur les perspectives du numérique qu’il y a un an. Les industriels ont pris conscience avec la crise de la nécessité de digitaliser leurs usines.
Selon le Baromètre de KPMG et la Fabrique de l’Industrie sorti en Novembre 2021, 46% des entreprises industrielles peinent à se digitaliser par manque de compétences en interne. C’est à ce moment-là que les outils digitaux innovants interviennent pour simplifier le management de la performance.
L’industrie entre dans une nouvelle ère, celle du 4.0 et de la course à l’innovation. Les industriels doivent de plus en plus s’appuyer sur la technologie et la digitalisation s’ils veulent garder une longueur d’avance sur leurs concurrents.
Plusieurs types d’innovations technologiques font leur apparition dans les usines. Parmi celles-ci, l’intelligence artificielle qui donne une forte impulsion à l’industrie 4.0. La génération accrue des données dans les usines permet d’identifier des tendances et des modèles de production qui pourraient améliorer la productivité des sites.
Parmi tous les sujets liés à l’industrie 4.0, la relation industrie et technologie est primordiale. Nous en parlons d’ailleurs sur notre chaîne de podcast “Paroles d’industriels: Comment réconcilier la tech et l’industrie ? L’industrie et la technologie sont-elles réellement en fracture ? Comment les années à venir vont-elles être déterminantes pour créer une nouvelle synergie entre ces deux mondes ?
Le constat reste simple. Comme le dit Michael Valentin, associé du cabinet de conseil Opeo “L’industrie a besoin de la tech et la tech a besoin de l’industrie”. Pour un avenir économique industriel plus serein, l’un n’ira pas sans l’autre.
La crise sanitaire a permis aux industriels de repenser leurs modes de travail mais aussi le recrutement. Les nouvelles technologies au sein des ateliers de production et les nouvelles méthodes de recrutement prouvent la résilience du secteur.
Et tout cela est possible grâce à la volonté des industriels et à l’agilité et la souplesse des nouvelles startups françaises.
Les grands groupes ont perdu le monopole de “temples de l’innovation” au profit de structures plus petites comme le montre l’explosion du modèle des start-ups innovantes.
ArcelorMittal a d’ailleurs inauguré son deuxième digital lab à Uckange, un laboratoire high-tech pour améliorer la productivité de leurs usines, la qualité de leur acier mais aussi pour former les collaborateurs. Tout cela en collaboration avec une cinquantaine de start-ups. Enième preuve de l’adaptation perpétuelle du secteur à travers les décennies.
Vous souhaitez gagner en performance et connecter vos opérateurs ?
👋 Get in Touch